Eyes on Europe : comment les Asiatiques perçoivent-ils l’Union européenne ?

Comment les habitants de la Chine et de l’Inde perçoivent-ils l’Europe et ses institutions ?  Alors qu’elles sont déjà complexes pour le citoyen lambda de l’Union européenne, comment les habitants d’un autre continent les considèrent-ils ?

C’est le type de questions auxquelles tentait de répondre  la conférence Eyes on Europe organisée le 29 avril dernier dans la Petite Aula de l’Université Catholique de Leuven (KUL).

Eyes on Europe

Cette soirée d’échanges – intégralement en anglais – était organisée par le professeur Stephan Keukeleire, professeur associé de l’Institute for International and European Policy de la KULeuven et spécialiste des liens Europe-Asie.

Les orateurs étaient Monsieur Zhang Xinghui, journaliste correspondant à Bruxelles du China Youth Daily; M. Nawar Khan, journaliste sur http://www.euasianews.com; et last but not least, Madame Ching Ling Pang, professeur de chinois, de japonais et d’études interculturelles à la KUL.

M. Zhang Xinghui a entamé le débat en établissant une comparaison entre Confucius et Jean Monnet : en effet, alors que le premier était surtout un professeur et un philosophe qui se concentrait sur son enseignement, Jean Monnet était l’héritier d’une affaire familiale dont l’esprit pratique s’est manifesté dans toutes ses réalisations.

Il rappelle également, que l’histoire chinoise, depuis 231, est faite de nombreuses séparations et réunifications.  L’unification européenne n’est donc pas un sujet d’étonnement pour les Chinois….  Par contre, pour le Chinois moyen, les institutions européennes sont d’une complication inouïe : ils ont l’impression très nette que personne n’est en charge de dossiers spécifiques mais que tout le monde s’occupe un peu de tout et de rien (impression que beaucoup d’Européens partagent à mon humble avis – Marco)…  La traduction des documents officiels en chinois pose également des problèmes : certains termes n’ayant aucun équivalents ou étant perçu comme interchangeables…  Et pourtant, nous assure M. Zhang Xinghui, les jeunes étudiants chinois sont très intéressés par les affaires du monde et les pays occidentaux : traduisez, les Etats Unis et l’Union Européenne…

Pour lui, les critiques que s’échangent la Chine et l’Union européenne ne sont que le signe d’une amitié solide et durable : seuls de vieux amis se permettent la critique ouverte.   Les critiques adressées par l’Europe aux investissement chinois en Afrique résultent de la compétition : les Européens n’en sont pas vraiment friands…  Ils ne distinguent pas non plus les investissements réalisés par l’Etat et ceux d’intérêts privés.   Quant à la critique des entreprises qui utilisent surtout de la main d’oeuvre chinoise en Afrique, il rétorque que les travailleurs chinois travaillent dur pour des salaires très bas et qu’ils envoient leurs économie en Chine dans l’espoir d’un retour plus favorable (et l’établissement d’un business at home, rêve de tout Chinois qui se respecte…).

M. Nawar Khan prend la parole pour évoquer les relations Inde – Union européenne.  Pour les Indiens aussi, les institutions européennes sont un mystère.  Pourtant l’Inde est aussi un patchwork de 37 Etats qui parlent des centaines de langues…  Mais ils n’arrivent pas à comprendre qui est responsable de quoi à la  Commision, au Parlement, au Conseil…  Etant une ancienne colonie anglaise, les Indiens considèrent un peu Bruxelles comme une banlieue de Londres où l’on mange du chocolat, mais ils seraient bien en peine de la situer sur une carte.

Pour eux, si l’Union européenne est un bloc économique, les négociations avec l’Inde échouent pour deux raisons : pour une différence de valeurs entre les deux continents.  Parce que les pays d’Europe, terriblement individualistes, négocient au coup par coup et au niveau national et non pas de manière intégrée et d’une seule voix…

Les exportations seront donc réglées individuellement avec l’Allemagne ou l’Angleterre alors que les questions globales seront adressées aux Etats-Unis…

Madame Ching Ling Pang préfère évoquer les gens plutôt que les institutions. Elle souligne que de plus en plus de gens étudient les cultures de l’autre : les Chinois étudient l’Europe et les Européens se passionnent pour la Chine, sa culture et son histoire…  Elle répond aux critiques sur les droits de l’homme et des minorités par le fait que les minorités (dont le nombre reconnu officiellement est de 55) sont bien intégrées en Chine et qu’elles pratiquent toute la langue chinoise.  Le taux de création d’entreprises y est d’ailleurs supérieur au reste de la population chinoise.  On parle beaucoup des Ouïghours et des Tibétains, mais on oublie allègrement les Miao, les Aka, les Hui, les Utsuls, etc.

Elle constate de véritables liens d’amour entre l’Europe et la Chine. La Chine soutient l’Union européenne en tant qu’acteur global, même si l’Europe pratique une certaine pensée de routine à l’égard de la Chine.  En ce qui concerne l’Afrique, elle rappelle que de nombreux étudiants africains fréquentent les universités chinoises, notamment celle de Beijing (anciennement Pékin).

Elle constate que les Européens, peut-être du fait de leur histoire si complexe et de leur morcellement, comprennent mieux les subtilités de l’Asie et de la Chine que les Américains. Pour ces derniers, la Chine et les autres pays du continent représentent seulement l’Asie, alors que les Européens distinguent davantage les spécificités de chaque pays.

La conférence s’est terminée sur quelques questions des étudiants qui composaient le public à une écrasante majorité : les politiques et les hommes d’affaires sont-ils indifférents aux relations euro-asiatiques ou, plus simplement, l’information sort-elle difficilement des murs de l’université ?

Pour nous en tout cas, l’expérience était intéressante et mériterait d’être non seulement renouvelée, mais mieux médiatisée.

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